A retenir


  • Le printemps avance de plusieurs jours par décennie pour certaines espèces d’arbres.
  • Cette avancée risque d’être ralentie par le manque de froid en hiver.
  • Le rythme d’avancée du printemps est particulièrement rapide en altitude où l’absence de froid n’est pas encore un facteur limitant.

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Problématique : la « phénologie » et le climat

Le vivant est très lié au climat. Les cycles saisonniers des espèces, c’est-à-dire de leur « phénologie » sont dictés entre autres par les températures. Les arbres en montagne en sont un bon exemple.

Le développement printanier des arbres est principalement contrôlé par l’évolution des températures à la fin de l’hiver et au début du printemps. En effet, après une période de dormance hivernale où l’activité des arbres est réduite par le froid, la photosynthèse reprend lorsqu’une quantité suffisante de chaleur s’accumule au fil des semaines, signal que le printemps est vraiment revenu. Les bourgeons peuvent alors éclore, les arbres fleurir, la saison de croissance s’amorcer.

Plus on monte en altitude, plus les températures moyennes sont basses. La date à laquelle la chaleur nécessaire au démarrage de la saison est atteinte est donc plus tardive en altitude. Ainsi, le débourrement - moment de l’éclosion des bourgeons-, a lieu entre 2 et 3 jours plus tard tous les 100m d’altitude. Suivant les espèces, on peut donc avoir un démarrage plus précoce de 20 à 30 jours pour un arbre situé à 1000m d’altitude par rapport à son congénère situé à 2000m.


Débourrement d’un bourgeon de frêne commun (Fraxinus excelsior)

Pertinence : un printemps plus précoce en fonction des espèces

Le débourrement avance de près de 6 jours par décennie chez certaines espèces alors que d’autres espèces répondent moins à la hausse des températures. Un printemps précoce expose cependant les arbres à un risque de gel.

Parmi les plantes, c’est chez les arbres et arbustes que la hausse des températures entraîne l’avancée la plus marquée du printemps. La hausse marquée des températures en fin d’hiver et début de printemps est l’explication principale à cette précocité.

Cependant, à chaque espèce selon sa physiologie : certains sont de plus en plus lève-tôt alors que d’autres restent lève-tard. Le programme participatif Phénoclim suit ainsi 11 espèces d’arbres à différentes altitudes dans les Alpes. Selon les observations, le bouleau et le frêne ont avancé de 4 à 6 jours leur date de débourrement en 10 ans alors que l’épicéa, lui, l’a reculé de 8 jours sur la même période. La photopériode, c’est-à-dire la durée du jour et de la nuit, est un facteur important pour l’épicéa ou le hêtre par exemple, et pourrait expliquer leur moindre réactivité à la hausse des températures printanières.

Pour les arbres, avancer le démarrage présente cependant un risque : même si les températures moyennes printanières augmentent, le risque de jour de gel persiste, pouvant endommager fleurs et bourgeons. Le rythme d’avancée de la phénologie printanière est à mettre en regard de l’évolution de la date du dernier gel printanier. Ainsi, si le risque de gelées tardives régresse à basse altitude, il a maintenant tendance à augmenter au-dessus de 800m alors qu’il se maintient pour l’instant au-dessus de 2000m. Ce risque accru pourrait temporairement fragiliser certaines espèces à certaines altitudes.



Évolution qui connaîtra des limites

L’avancée du printemps se poursuit mais à un rythme moindre. Elle n’est pas sans limite car d’autres facteurs, le froid hivernal notamment, contrebalancent la hausse des températures printanières dans l’évolution des cycles saisonniers des arbres. De ce fait, les arbres de haute montagne pourraient « rattraper » le cycle des arbres de plus basse altitude.

L’avancement des dates de démarrage de la végétation était en moyenne plus rapide entre 1980 et 1994 (4 jours d’avancement par degré d’augmentation des températures pendant cette période) qu’entre 1999 et 2013 (2,3 jours par degré), montrant un ralentissement de cet avancement.

En effet, d’autres paramètres peuvent venir réguler cette avancée. L’intensité du froid reçu pendant la saison de dormance des plantes (le chilling requirement) s’impose de plus en plus comme un facteur à prendre en compte même si les mécanismes physiologiques en jeu ne sont pas encore bien compris des chercheurs. Le manque de froid durant l’hiver agit clairement comme un retardateur du démarrage de la végétation. Dans les suivis Phénoclim, les mélèzes situés en altitude – ceux qui reçoivent toujours suffisamment de froid en hiver – ont ainsi davantage avancé leur date de débourrement que ceux situés à basse altitude, là où les températures de certains hivers ne sont plus assez fraîches pour permettre la levée de la dormance au printemps. Enfin, la photopériode, qui elle ne change pas, pose également une limite à l’avancée du printemps.

En haute altitude où le froid n’est pas encore un facteur limitant, le débourrement des arbres pourrait avancer d’un à deux mois d’ici la fin du 21e siècle. A l’inverse, l’avancée du printemps est moins rapide à basse altitude. La phénologie aura donc tendance à s’uniformiser le long du gradient d’altitude et les écarts entre les dates de débourrement à basse et haute altitude à se réduire pour de nombreuses espèces.

Observation d’un frêne commun dans le cadre du programme de science participative Phénoclim

Perspectives : plus d’arbres ?

La saison de végétation des arbres s’allonge, d’autant qu’ils gagnent aussi sur l’automne. Toutes choses égales par ailleurs, ils s’en portent mieux et se déploient plus haut en altitude.

Les arbres démarrent plus tôt mais aussi entrent en dormance plus tard en automne. Il existe trois fois plus de publications sur le printemps que sur l’automne. Même « saison oubliée », son évolution n’en est pas moins déterminante pour les arbres. Les satellites montrent ainsi un retard de 3 à 4 jours par décennie de la sénescence - la fin de la photosynthèse - dans les forêts tempérées depuis 1982. A chaque extrémité, les arbres allongent donc la période favorable à leur croissance.

Ainsi, les changements de phénologie ont en montagne un impact sur la distribution des arbres. En altitude, les températures moyennes sont trop froides pour offrir une durée annuelle de croissance suffisante. Or cette limite remonte avec les printemps précoces et les automnes tardifs, permettant à la forêt de s’installer à plus haute altitude. Ce gain connaît cependant des limites : sécheresses, canicules, parois raides, parasites peuvent contrebalancer les gains d’une phénologie favorable.


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