A retenir

  • Les températures augmentent rapidement dans le Mont-Blanc: +2°C depuis 1864 et +3°C d’ici 2050 par rapport à la période 1981-2010.
  • La hausse est plus marquée au printemps et à l’été. Or le printemps est une période-clé pour les organismes vivant en montagne.
  • Les conditions de vie pour la faune et la flore et donc les paysages s’en trouvent complètement modifiés.
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Problématique : une hausse des températures plus forte qu’ailleurs

Les températures annuelles moyennes ont augmenté dans le massif du Mont-Blanc d’environ 2° C depuis 1864, deux fois plus qu’à l’échelle moyenne de la planète pour la même période (+ 0.9° C). Si nous poursuivons au même rythme nos émissions de gaz à effet de serre, le massif se réchauffera encore d’environ 3°C en 2050 par rapport à la période 1981-2010.

Ce réchauffement est plus marqué encore en été et au printemps qu’en hiver. Il serait « limité » à +2 °C en hiver d’ici le milieu du siècle contre +2.8 °C en été. La canicule de 2003 pourrait devenir un été moyen d’ici 2060-2075, avec certains étés au-dessus des normales saisonnières beaucoup plus chauds encore.

 

Pourquoi un réchauffement si marqué en montagne ? Les chercheurs enquêtent toujours mais une partie de l’explication pourrait être attribuée à l’albédo - la fraction du rayonnement solaire qui est réfléchie ou diffusée par une surface. Sous l’effet de la hausse des températures, les zones couvertes de glace ou de neige – ces zones blanches qui réfléchissent les rayons du soleil -, reculent au profit de zones de roches sombres, qui, au contraire, accumulent la chaleur. Comme l’albédo, la concentration en vapeur d’eau dans l’atmosphère autour des massifs montagneux pourrait également augmenter localement l’effet de serre.

Pertinence pour les milieux de montagne

Les paysages de montagne sont très fortement structurés par la température et ses variations entre deux altitudes, entre deux versants, etc. Chaque être qui peuple ces espaces, animal ou végétal, est adapté à des températures parfois extrêmes et des saisons très marquées. La photosynthèse, les dates de reproduction des plantes et de nombreux animaux, et l’existence même d’une espèce à une certaine altitude sont dictées par la température.

Depuis les années 1980, les Alpes connaissent une augmentation des températures de 0,2°C à 0,5°C par décennie. 0,6°C, c’est la différence de température entre deux altitudes séparées de 100m de dénivelé. A ce rythme-là, pour garder les mêmes conditions de température, il faudrait donc grimper 100 mètres plus haut tous les dix ans !

La température entraîne des spécificités saisonnières déterminantes pour le vivant. En hiver, le thermomètre génère de fortes contraintes mais aussi la présence de neige pour s’isoler. Au printemps, l’accumulation d’une chaleur suffisante et la disparition progressive de la neige sont un signal de reprise pour la végétation et tous les animaux qui en dépendent. Un printemps précoce est la promesse d’une saison active plus longue, mais aussi un risque de gel qui demeure alors que la couche protectrice de la neige a disparu. L’été, une chaleur excessive et prolongée peut être éprouvante pour des organismes pourtant adaptés à un rayonnement solaire intense. L’automne, la saison de végétation peut de plus en plus se prolonger avec des températures moyennes plus élevées et une neige plus tardive.

Évolution d’indices-clés

La hausse des températures moyennes annuelles n’est pas un chiffre qui suffit à appréhender finement les impacts sur les milieux naturels. Accumulation de chaleur au printemps, nombre de jours de gel, nombre de jours de canicule, autant d’indicateurs plus précis pour une meilleure compréhension des transformations en cours.

Au printemps, les végétaux doivent accumuler un minimum de températures positives au fil de jours pour « démarrer ». Cet indice se définit par la date à laquelle 100° C se sont ajoutés les un aux autres depuis la sortie de l’hiver. Cette date n’a de cesse de s’avancer en saison.

L’été, le nombre de jours d’été - où la température est supérieure à 25°C -, en moyenne montagne passera en moyenne de 5 à 35 jours en 2050, alors que les jours tropicaux - où la température est supérieure à 32°C -, passeront de 2 actuellement à 17/22 jours en 2050 en fond de vallées, laissant place à des canicules de plus en plus fréquentes. Plus que des changements de moyenne, les « coups de chaud » risquent d’avoir le plus fort impact sur les espèces et sur les paysages de montagne.

A l’inverse, le nombre de jours de gel - où la température descend en dessous de 0°C -, diminue fortement. En hiver, les matins où les températures sont négatives à Chamonix devraient reculer de 30 à 35 % d’ici 2100 l’hiver, de même que les températures de l’après-midi entre 2000 et 3000m. En été, ce recul est encore plus marqué, avec un recul de 45 à 50 % des jours où les températures restent négatives l’après-midi entre 3500 et 4500 m. Ce recul du froid est symbolisé par la remontée de l’isotherme 0°C, c’est-à-dire de la limite altitudinale au-dessus de laquelle les températures moyennes restent négatives sur une période donnée. L’isotherme 0°C estival remonte ainsi de 400m d’ici 2050, passant de 3800m à 4200m d’altitude.

Perspectives pour le vivant

Les saisons perdent le Nord, les milieux naturels également. Les gradients de température qui structurent les versants sont rapides et entraînent des bouleversements de paysages et de conditions de vie de tous les organismes d’altitude, y compris des activités humaines.

Les températures estivales génèrent un recul important des glaciers ainsi que le recul du permafrost (ces conditions de gel permanent qui soudent les matériaux notamment rocheux entre eux). Les températures hivernales plus chaudes et surtout printanières réduisent la durée d’enneigement, ce qui impacte les stratégies hivernales des plantes et des animaux et l’accès aux ressources pendant la période de reproduction. L’utilisation de l’espace et du temps par la faune et la flore se modifie en profondeur : la saison favorable s’allonge même en altitude, des espèces de plaine moins adaptées au froid s’installent de plus en plus haut, souvent au dépend des espèces typiquement alpines, de nouveaux espaces libérés des glaces ou des neiges éternelles deviennent « colonisables ». Les communautés d’espèces et paysages changent en profondeur.

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